Antigone de Jean Anouilh.
Théâtre du VIEUX COLOMBIER – COMÉDIE FRANÇAISE
Mise en scène de Marc Paquien
Créon (Bruno Raffaelli) et Antigone (Françoise Gillard).
Avec cette Antigone de Jean Anouilh, la troupe de la Comédie Française nous offre encore un spectacle de très grande qualité. La mise en scène de Marc Paquien est parfaitement simple, parfaitement efficace et permet aux comédiens de dérouler un jeu impeccable et émouvant.
Françoise Gillard est une Antigone à la fois fragile et résolue. En face d’elle, Bruno Raffaelli est un Créon massif, puissant, inflexible.
Qu’est ce qui a pris Anouilh en 1942 de réécrire une Antigone qui sera jouée la première fois que deux ans après, le 4 février 1944 ?
C’est, parait-il, à un acte de résistance qu’Anouilh doit l’idée de travailler sur le personnage d’Antigone. En août 1942, un jeune résistant, Paul Collette, tire sur un groupe de dirigeants collaborationnistes, il blesse Pierre Laval et Marcel Déat. La gratuité de cette action, son caractère à la fois héroïque et vain auraient frappé Anouilh, pour qui un tel geste possède en lui l’essence même du tragique. Autre interprétation, Anouilh dira plus tard que c’est l’affiche rouge qui l’a inspiré.
La pièce comporte une bonne dose d’ambiguïté qui permet des interprétations opposées.
On peut voir dans Antigone l’exemple de la résistante. Pourtant cette Antigone là n’est pas mue, comme celle de Sophocle, par le sentiment du droit naturel. Elle est rebelle et veux décider seule d’enterrer son frère.
A l’encontre, Créon se réclame du réalisme. Il fait le job : « puisque je suis roi, j’ai résolu (…) de m’employer tout simplement à rendre l’ordre de ce monde un peu moins absurde, si c’est possible. »
Il se revendique vieux chef besogneux prêt à prendre tout sur son dos. Si je ne le fais pas, qui le fera ?
Les deux comédiens expriment parfaitement les caractères de ces deux personnages principaux et maintiennent l’ambivalence des rôles.
Lors de la création, Antigone a suscité des réactions passionnées et contrastées. Le journal collaborationniste « Je suis partout » porte la pièce aux nues : Créon est le représentant d’une politique réaliste, Antigone est une anarchiste (une « terroriste », pour reprendre la terminologie de l’époque).A l’opposé, « Les Lettre Françaises » écrivent délicatement « Antigone est une pièce ignoble, oeuvre d’un Waffen-SS ».
Il est amusant de voir que la polémique n’est pas retombée puisque Le Figaro à propos de cette mise en scène écrit: Antigone, « C’est la voix de la Résistance. » (Armelle Eliot 28/09/2012)
Néanmoins, on sera d’accord avec Le Figaro qui conclut sur ce spectacle : Magnifique !