Like someone in love d’Abbas Kiarostami
Coproduction France/Japon- 2012
avec Rin Takanashi, Tadashi Okuno, Denden, Ryo Kase
La scène d’ouverture est une perfection formelle, un morceau de cinéma d’une grande pureté et d’une grande subtilité dans la réalisation.
Plan fixe sur une salle de bar très fréquentée. Différents groupes debout ou attablés bavardent créant un brouhaha sur lequel se détache une voix de femme qui explique qu’elle n’est pas disponible tout de suite pour ce qu’on lui demande. Le regard parcours ces groupes pour chercher celui auquel appartient celle qui parle. On s’aperçoit qu’elle est hors champs lorsqu’elle passe le téléphone à une jeune femme qui,elle, est à droite dans le cadre à une autre table. Le patron du bar intervient – Quinquagénaire en chemise blanche ferme, calme, tranchant ; il la met d’autorité dans un taxi à qui il donne une adresse. Cette seconde partie de la scène est filmée avec un jeu de reflets sur les portes vitrée qui permet de voir à la fois dedans et dehors. Qui montre aussi le visage bouleversé de cette fille épuisée contrainte de faire ce qu’elle ne veut pas.
On a compris la situation : Akiko, étudiante le jour, prostituée la nuit, est envoyée fermement par son souteneur chez un client tandis qu’au téléphone son amoureux exige de la voir rapidement.
Le client se révèle être un vieux professeur, Takashi, qui manifestement voudrait une rencontre, « comme s’il était amoureux ». Mais la fille n’est pas là pour ça et s’en suit une scène drôle et touchante. Lorsqu’apparaîtra plus tard le fiancé, Takashi endossera le rôle du grand père essayant de faire profiter ces jeunes gens de sa sagesse et et de son expérience.
Avec beaucoup d’élégance et de subtilité, Kiarostami nous peint non sans ironie des personnages attachants qui aspirent maladroitement à des choses simples mais incompatibles.
Il s’en détache le personnage fragile de cette jeune femme, Akiko magnifiquement interprêtée par Rin Takanashi, qui « ressemble à tout le monde ». On la sent épuisée par tout ce que l’on attend d’elle. Elle s’endort d’ailleurs plusieurs fois en voiture tandis que défilent les lumières de Tokyo. Kiarostami joue beaucoup des reflets sur les vitres comme dans Copie conforme avec Juliette Binoche. Like someone in love est beaucoup plus convaincant que le film italien. Le Japon convient mieux à l’iranien !
Il y a beaucoup de sensibilité dans ce film en même temps qu’une grande maitrise formelle mais les habiletés de réalisation sont toutes en délicatesse et contribuent à l’attrait de ce film raffiné.