Ma chambre froide – Odéon Ateliers Berthier
création et mise en scène Joël Pommerat.
On s’installe sur des gradins en rond avec une petite scène au milieu. Le noir se fait, puis, par petites scènes courtes, entrecoupées de fondus au noir comme ou dirait au cinéma, l’histoire d’une Estelle qui veut faire le bien nous est contée.
Entre chaque scène, dans l’obscurité, un dispositif différent est mis en place à l’aide de quelques accessoires et d’une mise en lumière très efficace. Nous sommes dans un supermarché où Estelle et ses collègues affrontent des tâches épuisantes rudoyés par un patron odieux.
Elle, bonne pomme, accepte de prendre le maximum de corvées que ses collègues essaient de lui refiler. Bientôt, le patron apprend qu’il est atteint d’une maladie fatale. Refusant de laisser sa vaste fortune à sa famille, il va léguer son groupe à ses employés à condition qu’ils fassent quelque chose pour lui. Estelle propose que ce soit une pièce de théâtre sur sa vie écrite et jouée par les employés-héritiers. Il accepte cette proposition. Et la cession prend effet dès avant la mort du patron.
Ce groupe de nouveaux riches est alors assailli de problèmes innombrables dont ils n’avaient même pas idée.
Comment maintenir la cohésion entre eux ? Comment poursuivre l’exploitation du magasin dont le chiffre d’affaire baisse et dont il faut élargir les heures d’ouverture en s’imposant donc à eux même des cadences infernales ?
Comment assainir les autres activités du groupe en décidant des licenciements évidemment inenvisageables ?
Pendant ce temps, il faut aussi monter et jouer la pièce de théâtre faute de quoi tout s’écroule. Estelle se charge de l’écrire et de la diriger, mais ses idées sont de plus en plus incompréhensibles et les comédiens-employés-patrons sont épuisés.
De plus Estelle a des frères dont un, gros bras redoutable, se charge d’aplanir les difficultés avec des arguments frappants.
On assiste ainsi à une scène extraordinaire où ces comédiens amateurs et récalcitrants devant les idées de leur metteur en scène sont contraints, sous la menace, de crier : « J’AIME LE THEATRE ! « .
Cette trame surprenante permet à Pommerat d’aborder une multitude de thèmes depuis la découverte des réalités économiques par ces nouveaux dirigeants d’entreprise jusqu’à la difficulté des rapports humains et à ce que peut le théâtre.
Et puis, au fur et à mesure de la progression de la pièce, la personnalité d’Estelle devient plus complexe. Veut-elle faire le bien de force et à n’importe quel prix? Qu’en est-il de son apparente naïveté ? Schizophrène ?
Les acteurs sont magnifiques. La scénographie remarquable. C’est drôle, surprenant, émouvant bien qu’un peu bavard et confus sur la fin.
Du beau théâtre.