Déc 032011
 
  • Le Liseur,  roman de Bernhard Schlink publié en Allemagne en 1995. (Gallimard)
  • The Reader , film réalisé en 2008 par Stephen Daldry.
On n’est pas du tout dans l’actualité brûlante.
Le roman,  de Bernhard Schlink, traduit en trente-sept langues, publié en France en 1996, a donné un film The Reader – malheureusement en anglais, l’allemand eut été bien préférable- réalisé  en 2008 par Stephen Daldry qui a valu l’Oscar de la meilleure actrice à Kate Winslet.
Vu d’abord le film qui m’a donné envie de lire le livre avalé d’une traite. Tous deux sont remarquables.
1111203_the_reader
Dans l’immédiate après guerre, Michaël un jeune allemand de 15 ans est initié à l’amour par une femme qui a vingt ans de plus que lui dont il ne sait pas grand chose sinon qu’elle est receveur de bus et qu’elle aime qu’il lui fasse la lecture. Hanna disparaît soudainement après quelques mois.Quelques années plus tard, étudiant en droit, il assiste dans le cadre d’un séminaire à un procès. Hanna fait partie des accusés et il apprend avec horreur qu’elle a été gardienne à Auschwitz et qu’elle est responsable de crimes abominables.
Il ne s’agit ici que d’une histoire individuelle au milieu de la monstrueuse entreprise génocidaire, mais avec beaucoup de concision Bernhard Schlink évoque nombre de problèmes que pose la période nazie .
D’abord pour la génération d’allemands qui vient tout de suite après :  » Nous ne devons pas nous imaginer comprendre ce qui est inconcevable ; nous n’avons pas le droit de comparer ce qui échappe à toute comparaison (…) une chose devant laquelle on ne peut que s’imposer le silence de l’horreur, de la honte et de la culpabilité. »
 
La responsabilité individuelle au milieu du déferlement d’une entreprise collective criminelle.
Hanna est une femme fruste dont toute la conduite est animée par la crainte de révéler ce qu’elle vit comme une tare personnelle et qui nous sera révélé au milieu de l’histoire. Obsédée par son secret, elle se contente « d’obéir aux ordres ». Chargée, avec d’autres, de garder des déportées, elle les laisse brûler vives dans une église en flammes sans ouvrir les portes. Elle explique au Président du tribunal : « Comment aurions nous pu rétablir l’ordre ? Cela aurait tourné à la pagaille (…). Et si elles avaient tenté de fuir ? »
Question annexe : si le secret d’Hanna était connu, sa responsabilité ne serait pas plus grande que celle, déjà énorme, des autres gardiennes qui s’en tirent avec quatre ans de prison. Mais pour ne pas se dévoiler elle accepte de se faire charger par les autres et d’être considérée comme la chef et prendre perpétuité. Michaël peut-il dévoiler malgré elle le secret qu’il a fini par comprendre ? « Imagine » se dit-il dans le livre  » un procès où l’accusé va être condamné s’il ne révèle pas qu’il est gaucher et qu’il n’a donc pas pu commettre le crime nécessairement perpétré par un droitier : iras-tu dire au juge ce qu’il en est ? » Il s’en ouvre à son père professeur de philosophie qui met en avant la liberté individuelle.
Dans le film, c’est avec son professeur magnifiquement interprété par Bruno Gantz qu’a leu le débat.
Comment admettre que l’on a aimé une criminelle nazi même en ignorant son passé ? Que l’on continue d’une certaine façon à avoir un sentiment tendre à son égard. Comment concilier l’image d’une femme désirée nouant son porte-jartelle et celle de la gardienne de camp en sachant que c’est la même femme ? Comment admettre que toute personne de plus de trente ans que l’on croise a vécu cette période d’horreur ; au mieux en silence, au pire en se compromettant plus ou moins ? Ces questions hantent toute la vie de Michaël qui ne peut plus avoir de relation avec quiconque et continue de faire la lecture pour Hanna en lui envoyant des cassettes dans sa prison sans jamais aller la voir.
Le Liseur est un roman captivant grace à la qualité d’écriture de Bernhard Schlink qui raconte cette histoire très simplement tout en soulevant avec beaucoup d’acuité des questions terribles de façon d’autant plus intéressante qu’elles sont traitées par un allemand né en 1944 et qui n’épargne ni sa génération ni les précédentes.
Le film est très fidèle, un scénario très fin sans manichéisme, avec une structure différente de celle du roman, en flash-back, et  avec une interprétation remarquable notamment Kate Winslet qui restitue toute l’ambiguïté du personnage d’Hanna.

[suffusion-the-author]

[suffusion-the-author display='description']
 Posted by at 17 h 19 min

 Leave a Reply

(requis)

(requis)