Les Nègres, de Jean Genet
à l’Odéon. – mise en scène, scénographie, lumière Robert Wilson
La soirée d’hier soir m’a ennuyée, je l’avoue, même si le prologue impressionne par le talent incontestable de Wilson à composer « des tableaux » et même s’il use le spectateur par son extrême lenteur et le pousse à la limite de l’impatience.
La suite n’est ni du théâtre, ni de l’opéra, ni du musical. j’ai pensé à une tentative d’opérette mal aboutie..
Que Wilson soit un homme d’image, virtuose de la création de décor lumière et sons.. Nous n’en doutons pas depuis « le Regard du sourd ». mais voir le texte de Genet piétiné, pas vraiment audible malgré l’effort louable des comédiens pour se faire comprendre dans le brouhaha de l’ambiance musicale, m’a semblait impardonnable.. J’ai applaudis parce que les acteurs, épuisés , sentaient que le succès était mitigé. Et puis ils sont noirs et « je ne veux pas paraitre raciste ».
L’égo de Wilson l’étourdit. Nous ne sommes pas obligés d’avaliser une entreprise de ce type au prétexte que c’est une création « Wilsonniènne » ou encore parce qu’elle embarque à bord des acteurs de couleur. Ce serait encore du racisme à rebours. Je pense même qu’il « instrumentalise » la négritude au bénéfice de sa réputation! On prive l’acteur de sa spontanéité au point de lui faire faire de la pantomime.
Il a été mis en place là pour faire que l’on lui a dit de faire (du tricot pour celui qui se transforme en reine- pondeuse mais qui ne sait pas quoi faire avec les aiguilles à tricoter que Wilson lui a mis dans les mains !)
Les chanteuses ne chantent pas vraiment, Wilson ne leur en donne pas vraiment l’occasion. Elles ne peuvent pas danser, enfermées qu’elle sont dans des fourreaux très top-modèle ou des tenues encombrantes. Soit elles « posent » dans les attitudes très étudiées par B.W. , soit elle s’agitent ou se trémoussent.
Les hommes, eux, ne s’expriment que par gestes arrêtés (c’est très mode). Rien n’est fait pour que les acteurs puissent vivre leur texte. Ils sont des objets assujétis. Irais-je jusqu’à dire qu’ils sont les esclaves du metteur-en- scène ?
Un minimum de solidarité homosexuelle n’a même pas jouée dans le tandem Wilson-Genet . On écrase le travail de celui qui n’est plus là pour se défendre. Que font les ayant-droits ? (je pense à Gallimard, bien sûr, Genet n’ayant pas eu de famille) Et cela, sans aucun état d’âme ! Dommage.
J’attends le Tchekhov
Suite à cette soirée, on se prend à réfléchir: Que reste-t’il de Genet: Sa mauvaise réputation d’enfant de la DDASS, devenu un voyou, puis un légionnaire et plus tard, criant sa hargne contre les juifs et les juifs israéliens et donnant son argent à la cause palestinienne comme à la Fraction Armée Rouge…. C’était aussi, curieusement, un homme de l’écrit : « Notre Dame des fleurs », « Querelle de Brest » … et un poète. Il y a plusieurs hommes dans un homme!
Mais j’ai eu le plaisir de vous avoir embrassés et d ‘avoir une fois encore profité de cette salle qui contient pour moi tellement de souvenirs.
j’ y ai mis les pieds lors de son ouverture avec Malraux et De gaulle ! Oserais-je vous dire que mon frère Laurent tenait la scène dans du Claudel, qu’il était jeune et beau et que le verbe poétique de Claudel résonnait dans le silence d’une salle attentive. J’eus beaucoup aimé hier soir, entendre du Genet dont lui aussi le verbe poétique (seulement connu ou d’un petit nombre) eut pu nous plaire.
Catherine TERZIEFF
C’est Roger Blin, l’ami de mon frère et son mentor, qui monta « les Nègres » en 1959 au Théâtre de Lutèce. mais il monta aussi en 66, les Paravents qui firent scandale (politique) dans ce même théâtre de l’Odéon.