Un Diamant Brut

Le récit autobiographique d’Yvette SZCZUPCAK-THOMAS est tout à fait captivant.

Orpheline, pupille de l’assistance publique au début des années 30, elle est placée chez différents fermiers autour d’Auxerre. Elle y connaît le pire et le meilleur.

Au cours de l’hiver 41-42 un couple de marchands d’art parisiens s’entiche de cette gamine en qui ils pensent découvrir un esprit brillant et des dons artistiques : un diamant brut. Ils l’adoptent et l’emmènent dans le Paris intellectuel de l’occupation. Elle y découvre le luxe plus ou moins désargenté du milieu artistique, ce qui nous vaut une galerie de portraits de Braque à René Char en passant par Picasso qui lui donne des conseils de dessin et par Paul Eluard et Nusch qu’elle adore.

La peinture de ce milieu est particulièrement intéressante. Elle fourmille d’anecdotes tour à tour drôles ou émouvantes entre Montparnasse et Saint-Germain pendant la guerre. L’épisode de Picasso signant de faux Picasso pour procurer des subsides à quelques amis dans cette période trouble est particulièrement savoureuse.

L’écriture et la construction du récit sont remarquables. Des descriptions détaillées, parfois très poétiques et tendres succèdent à des paragraphes elliptiques et allusifs. L’instinct de survie et la volonté farouche de cette fillette qui a vécu dans sa prime enfance des conditions très dures lui permettent de poursuivre son chemin dans ce monde éblouissant et dur qu’elle ne comprend pas entièrement, qui la cajole et la blesse.

Ces souvenirs ont été écrits à partir de 1980 et publié après la mort de l’auteur en 2003. Ils sont donc passés au filtre de la mémoire. Ils rendent magnifiquement la force du personnage qui a fini par se libérer de ce milieu trop dur en suivant un diplomate israélien, collaborateur de Ben Gourion, et découvre qu’elle se sent chez elle à Jérusalem.

Elle y vivra le reste de sa vie en faisant une carrière artistique.

Le regard d’Yvette SZCZUPCAK-THOMAS dans les photos connues correspond bien à ce qu’on lit dans le livre : un regard doux et acéré ; un oeil à qui rien n’échappe et qui sait faire preuve d’indulgence.

C’est un grand plaisir que de découvrir un écrivain de cette qualité qui raconte avec beaucoup de sobriété une vie particulièrement violente.