L’éveil du Printemps, de Frank Wedekind
Une production Teatro Malandro (Genève, Suisse)Malakoff (Théâtre 71) : du 11 au 28 janvier 2012
Le théâtre 71 de Malakoff nous réservait une belle surprise : la pièce de Wedeking mise en scène par Omar Porras pour le Téatro Malandro de Genève est une parfaite réussite.
Tout ce qu’on aime sur une scène ; un texte efficace, une mise en scène pleine de mouvements et de surprises, des comédiens qui bougent avec talent. »L’éveil du printemps », pièce de théâtre écrite par Frank Wedekind en 1890 n’a pu être créée que seulement seize ans plus tard sur les scènes berlinoises du fait de la censure. Wedeking y évoque l’éveil de la sexualité à l’adolescence de façon à la fois pudique et précise.
Cette période de la vie est marquée d’abord par la quête d’informations que les adultes sous le poids des convenances sont incapables de donner. Cet aspect du propos a un peu vieilli. Quoi que …
Par contre tout ce qui fait l’émoi, la curiosité inquiète, est évoqué avec acuité. Le regard que Frank Wedekind porte sur un groupe d’adolescents d’une petite ville allemande n’est pas particulièrement indulgent.Tantôt leste, tantôt burlesque, avec des moments de poésie délicate.
On retiendra les nombreuses ellipses du texte, ce qui nous est donné à sentir ,en passant, dans les quelques mots que certains personnages, représentants d’une société corsetée et pudibonde, ne peuvent se résoudre à prononcer…
On ne connaissait pas Omar Porras, metteur en scène colombien installé à Genève. Quelle lacune !
Porras a les audaces de Mouawad. Il donne de cette pièce une interprêtation à la fois précise et subtile qui fait une place importante à la musique. Après une présentation légère et grincante des deux groupes de jeunes gens l’ambiance devient plus sombre. Chez les garçons, la forte tête, l’affranchi, c’est Melchior. Il prend sous sa protection Moritz, souffre douleur des autres garçons qui s’épuise a réussir à l’école pour satisfaire ses parents. Mais les pages d’éducation sexuelle que lui donne Melchior l’émeuvent d’avantge. Il finira par se suicider devant tant de difficultés.Parmi les filles Wendla veut savoir comment on fait les enfants mais sa mère ne voit en elle qu’une petite fille et n’arrive pas à prononcer les mots. Wendla rejoindra Moritz la nuit dans une clairière dans une scène d’une très grande beauté. Leur union évoquée avec beaucoup de délicatesse aboutira à une grossesse que la mère niera tout enconvoquant l’aiguille à tricoter de l’avorteuse. Une mort de plus.
La fin de la pièce se déroule dans un cimetière mais Melchior va basculer du côté de la vie malgré le spectre de Moritz qui vient l’appeler.
Omar Porras enchevêtre les styles. D’abord les jeunes espiègles de comédie musicale, puis la poésie de la scène d’amour dans la clairière à laquelle succède une scène désopilante traitée comme une sorte de pantomime où les parents de Melchior décident d’envoyer leur enfant en maison de correction. Beaucoup de musique, de maquillage de perruques que les comédiens enlèverons un a un dans la dernière scène un peu énigmatique comme pour dire que l’on a fini de jouer et que le théatre débouche sur le réel.
Il y aurait tant à dire sur cette belle réusite théatrale. Comédiens superbes jeunes et enthousiastes, tour à tour adolescents puis bourgeois confits. Dispositif simple et efficace. Lumières, tout est bien.
Un régal.