‘Mesure pour Mesure’ de William Shakespeare par la Schaubühne au Théatre de l’Odéon.
Thomas Ostermeier met en scène le faux puritain qui prétend nettoyer le crime au karcher.
Sitôt au pouvoir, Angelo prétend s’en prendre à la corruption de la Société en appliquant sans faiblesse d’anciennes lois liberticides tombées en désuétude. Mais le faux dévot est un pervers prêt à négocier des indulgences dans une négociation honteuse.
Bien entendu cela ne peut évoquer quoi que ce soit de contemporain. Il s’agit de la pièce de Shakespeare « Mesure pour Mesure » écrite en 1604 dont l’action est à la cour de Vienne dans la mise en scène lumineuse de Thomas Ostermeier.
Le drame est assez compliqué et l’on est bien chez Shakespeare qui adore installer une situation puis la retourner et la retourner encore.
Au nom de l’inflexibilité Angelo, a qui le Duc Vincenzio a remis le pouvoir pour s’éloigner de son trône et observer la ville en secret, condamne à mort Claudio au motif qu’il a engrossé sa fiancée. Sa soeur Isabella qui se prépare à rentrer au couvent ne réussit pas à fléchir l’incorruptible par des arguments pieux, par contre cet autre Tartuffe serait prêt à accorder la grâce contre la vertu de la novice. Doit-elle refuser au nom de sa vertu ? Mais cette vertu est-elle moins ou plus précieuse que la vie d’un frère qui lui serait prêt à accepter un tel sacrifice ? Mais s’il accepte ou demande à sa soeur de sacrifier sa vertu à elle contre sa vie à lui, alors sa vie ne mérite pas ce sacrifice.
CLAUDIO
Tendre soeur, laisse-moi vivre.
Le péché commis pour sauver la vie d’un frère,
La nature le pardonne au point Qu’il devient une vertu.
ISABELLA
Ô, bête brute !
Ô lâche déloyal ! Créature sans honneur !
Et à la fin lorsque le bon Duc qui avait tout observé et démêlé, caché sous l’habit d’un moine, redresse les tords, il décide d’épouser la belle sans lui demander son avis. Est-il donc si juste ?
La force de la mise en scène d’Ostermeier et de ses fabuleux comédiens est de rendre tout cela clair et joyeux avec une remarquable économie de moyens : Le karcher qui pourchasse le vice et un gigantesque lustre d’où vient la lumière de la Cour ne masquent pas la charogne des intentions viles.
Et puisque charogne il y a, Ostermeier n’hésite pas à pendre au lustre un demi-porc avec sa tête qui sera découpée en scène pour être livrée au Régent comme preuve de l’exécution du condamné. Effet garanti !